15 April 2013

La Monnaie royale canadienne s'est-elle rachetée?


Mon dernier blogue portait sur une commémoration ratée de la guerre de Sept Ans par la Monnaie royale canadienne (lire l’article ici). Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que la MRC vient de produire une autre pièce commémorative.
Mon verdict? Superbe!
La pièce, tirée en 500 exemplaires, est composée d’argent pur à 99,99% d’un poids colossal d’un kilogramme. On la décrit ainsi :
Conçu par l’artiste canadien Luc Normandin, le motif au revers représente une carte ancienne inspirée de celles que produisait Didier Robert de Vaugondy au milieu des années 1700. Elle montre la région où la guerre de Sept Ans s’est déroulée en Amérique du Nord. Au centre de la pièce, une bannière commémorative est entourée des armoiries royales de la France (à gauche) et de celles de l’Angleterre (à droite).
Décidément, l’artiste a compris que pour commémorer un événement aussi important ainsi que controversé, la simplicité doit régner. J’applaudis donc l’idée de mettre de l’avant que les armoiries des pays impliqués pendant la Conquête et une carte du territoire.
Reste-t-il que je suis désolé de ne pas avoir les 2250$ demandés pour l’ajouter à ma collection!

Pour les intéressés, elle est disponible ici.

07 April 2013

Nouvelle pièce de la guerre de Sept Ans : Une commémoration manquée?

L’année 2013 marque le 250e anniversaire de la fin de la guerre de Sept Ans. Ce conflit est sans aucun doute l’événement le plus marquant de notre histoire : après tout, sa conclusion ampute à la France ses plus larges possessions en Amérique du Nord. La Nouvelle-France n’est plus. Les frontières du continent sont radicalement redessinées et réparties le long des nouvelles possessions britanniques et espagnoles. Mais le conflit persiste : les nouvelles tensions soulevées par la nouvelle répartition des pouvoirs coloniaux mèneront entre autres à la transformation de la société canadienne. C’est la genèse d’une nouvelle culture palpablement distincte de la France et de l’Angleterre. Aujourd’hui, alors que le gouvernement Harper dépense (gaspille?) des millions de dollars sur la commémoration de la guerre de 1812, il est désolant de voir que la guerre Sept Ans passe presque entièrement sous silence.
Pourtant, nos voisins du sud se donnent à cœur joie de commémorer cette guerre (connue chez eux comme la « French & Indian War »). Partout aux États-Unis, les lieux historiques liés à ce conflit ont hébergé des reconstitutions historiques (« Reenacting » chez les Anglophones) et des conférences publiques pour rappeler l’importance de cette « guerre qui créa l’Amérique ». C’est d’ailleurs le titre donné à l’excellent documentaire de la chaîne PBS, The War That Made America. Pendant plusieurs semaines, l’auditoire de la télévision publique américaine a eu la chance de se renouer avec la mémoire de cette guerre trop souvent éclipsée par celle de leur révolution.
Aucun engouement de la sorte au Canada. Bien sûr, les historiens ont fait leur part de publier de nouvelles recherches et d’animer des conférences, mais le public n’était pas au rendez-vous. Au Québec, la plaie laissée par le souvenir de la Conquête saigne toujours, et au Canada anglais, l’ignorance crasse de l’histoire canadienne-française relègue le tout aux oubliettes.
Tâchons aussi d’oublier la commémoration malhabile de la Commission des champs de bataille nationaux. Par un vrai manque de tact, les organisateurs ont raté l’occasion parfaite de faire mieux connaître et comprendre l’importance de ce conflit auprès du public à l’aide d’une reconstitution massive du siège de Québec sur les plaines d’Abraham. Leur première erreur a été de n’avoir pas expliqué au public ce qu’est le phénomène de reconstitution historique. Le passe-temps de « reenacting » est plus populaire chez les Américains qu’ici : il n’est pas étonnant donc que la population locale ait mal perçu l’intention derrière l’activité. Celle-ci, qui devait faire appel à un nombre sans précédent de « reenactors » québécois et américains, a fini par être interprétée (majoritairement par les souverainistes) comme une gifle contre l’honneur du Québec. Au lieu de comprendre que les reconstituteurs historiques animent de telles activités par amour de l’histoire, certains ont même proféré des menaces de violence, comparant à tord le contexte de la reconstitution proposée à celui de recréer la Shoah pour les juifs. L’atmosphère était d’ailleurs plus tendue du fait que les organisateurs donnaient à l’activité un air de célébration au lieu de commémoration (les critiques s’étaient surtout accrochés aux publicités illustrant un Montcalm et un Wolfe souriants, se donnant la main). Le tout, on se rappel, s’est soldé par une annulation de la reconstitution et de la création au lieu du Moulin à parole.
Bref, le souvenir de la guerre de Sept Ans n’a pas fait le même objet de pompe que la guerre de 1812, pourtant quasi insignifiante dans notre histoire. Ceci nous mène au vif de notre sujet d’aujourd’hui : comme nous l’avions espéré, la Monnaie royale canadienne vient enfin de produire une pièce commémorant la guerre de Sept Ans. Le résultat, toutefois, laisse à désirer. Voici la description du design :
Œuvre de l’artiste canadien Tony Bianco, le motif représente l’ensemble des peuples qui ont pris part à la guerre de Sept Ans et qui y ont été exposés. Les soldats britanniques et français, les peuples des Premières Nations et les colons y sont représentés, de même qu’un enfant qui symbolise l’espoir en l’avenir. Les personnes sont tournées vers l’est, au-delà de l’océan Atlantique, en direction de l’ancien monde. La carte à l’arrière-plan montre la région où le conflit a eu lieu en Amérique du Nord, et les bannières et les décorations au haut et au bas de la pièce reprennent les styles typographiques en vigueur dans les cartes et les documents officiels des XVIIe et XVIIIe siècles.
Initialement, avant de porter mon jugement final sur la pièce, j’avais consulté quelques collègues et amis pour connaître leur avis. L’unanimité de leurs opinions reflétait le mien. Je résume en paraphrasant une amie : le design nous laisse froids.
Bien que nous ne doutions pas de l’effort de l’artiste d’avoir voulu être le plus inclusif et neutre possible, cette représentation demeure toutefois qu’une « vision d’artiste ». L’angoisse et le tumulte de la Conquête y sont effacés pour faire place à une scène bénigne, dépourvue de la complexité réelle de la situation.
Notons d’abord les détails qui nous sautent aux yeux : reconnaissant immédiatement le soldat britannique, le soldat français et l’Amérindien, on se demande qui sont les deux autres personnages. L’explication officielle ne fait que nous confondre d’autant plus : on les décrit comme un colon et « un enfant qui symbolise l’espoir en l’avenir ». De quel colon s’agit-il? Selon ses habits, il nous paraît être britannique… où se trouve donc le colon de la Nouvelle-France, nouvellement annexé à la couronne britannique? Et que dire de l’enfant, symbole « d’espoir »? Difficile de parler d’espoir alors que les Habitants de la colonie canadienne doivent choisir entre rester en Amérique sous l’égide d’une langue et d’une religion étrangère, ou de quitter pour une France tout aussi étrangère par sa culture métropole… Sans oublier les Acadiens qui continuent d’être déportés à mesure que les Britanniques les trouvent. On ne peut non plus prétendre que la pièce commémore la paix, car l’Amérindien qui y figure peut tout autant symboliser la guerre de Pontiac qui va rager pendant trois autres années. Et quelqu’un peut-il bien m’expliquer pourquoi le soldat français semble porter un demi-sourire?
« La carte à l’arrière-plan montre la région où le conflit a eu lieu en Amérique du Nord » : pourtant, on n’y voit que l’Acadie, et à peine l’entrée du Saint-Laurent. Nulle part ne voit-on la vallée de l’Ohio ni le corridor du lac Champlain et de la rivière Richelieu où a eu lieu la majeure partie de la campagne militaire. Nous pouvons même critiquer des détails normalement anodins, car on précise « les bannières et les décorations au haut et au bas de la pièce reprennent les styles typographiques en vigueur dans les cartes et les documents officiels ». En réalité, les décorations ont plus un semblant de celles du XIXe siècle et ne ressemblent aucunement aux cartouches et ornements des cartes de la guerre de Sept Ans.
À l’inverse, il faut toutefois se demander : qu’aurait-t-on pu faire de mieux? Encore une fois, je précise que la tâche de l’artiste en question n’était pas facile. Comment évoquer une guerre dont la question de commémoration est si délicate? Il ne faut pas chercher à vexer qui que ce soit, ni glorifier personne en particulier. En cherchant à rendre tout le monde heureux, on peut finir par ne pas satisfaire qui que ce soit. Peut-être que la clef de l’énigme est la simplicité? Je reproduis ici le logo conçu par l’État de la Pennsylvanie dans le cadre de ses propres commémorations : sobre, mais excitant, simple, mais évocateur, il est neutre, mais permet à chacun d’y tirer sa propre interprétation personnelle. Peut-être la Monnaie royale canadienne aurait pu s’en inspirer?
Ma conclusion finale : Bien que je sois un collectionneur de pièces de monnaie, je vais m’abstenir d’acheter celle-ci, étant franchement déçu. Cette commémoration est, comme disent les Anglais, « too little, too late ». 

Sources et suggestions de lecture :
  • Dollar en argent épreuve numismatique édition limitée - 250e anniversaire de la fin de la guerre de Sept Ans. Monnaie royale canadienne. Lien.
  • The Fine Art of Tony Bianco. http://tonybiancoart.com/
  • French & Indian War Commemoration: 250 Years. (État de la Pennsylvanie). http://www.warforempire.org/
  • « La reconstitution est annulée »Radio-Canada. Le mardi 17 février 2009. Lien.


03 April 2013

La Corriveau ressuscitera sous peu!

Deux très bons amis, Catherine Ferland et Dave Corriveau, préparent un nouveau livre sur La Corriveau.  Voici un avant-goût!